Conférence: Cerveau féminin / Cerveau masculin
par Serge Ginger[1] 31/05/2002
Vous avez de la chance aujourd’hui : vous aurez droit à deux conférences…
Et comme je dispose de très peu de temps, je ferai ces deux conférences en même temps !
… Une pour les femmes ; une autre, pour les hommes !
D’ailleurs, j’ai déjà commencé !
Les quelques mots que je viens de prononcer, les femmes et les hommes ici présents ne les ont pas entendus de manière identique !
Tout d’abord, les femmes, (en moyenne statistique, bien entendu, et avec de larges variations individuelles)[2]
Bien entendu, cette prééminence de l’audition et de l’écoute subjective chez la femme n’est qu’un détail — dont l’intérêt principal réside dans le fait qu’elle se manifeste entre nous, ici et maintenant.
En fait, nous appartenons à deux « espèces » différentes !
À cette époque où l’on vient d’achever les premières phases de décryptage du génome humain, vous savez peut-être qu’on a pu montrer que l’homme et le singe possèdent un patrimoine génétique de base, commun à 98,4 % ; ce qui laisse 1,6 % de différence seulement… contre environ 5 % de différence génétique entre l’homme et la femme. Ainsi, un homme mâle est physiologiquement plus proche d’un singe mâle que d’une femme !
… Et, naturellement, les guenons sont proches des femmes !
Ces calculs quantitatifs et provocateurs négligent, bien sûr, l’aspect qualitatif : les gènes contribuant au développement du langage, de l’art, de la philosophie… Mais ils soulignent l’écart considérable entre les deux sexes, dans la plupart des espèces animales — dont l’espèce humaine — l’importance centrale de l’identité de genre, ou « genralité[5] » (sentiment d’appartenance au genre masculin ou féminin) — à ne pas confondre avec l’identité sexuelle.
Habituellement, je développe à mes étudiants ces différences — et notamment leurs retombées dans la pratique quotidienne de la psychothérapie — au cours d’un séminaire de quatre journées pleines[6].
Aujourd’hui, je ne dispose que de quelques minutes et je me contenterai donc d’une simple énumération d’une vingtaine de différences essentielles entre les femmes et les hommes.
Tous les chercheurs en neurosciences sont d’accord aujourd’hui pour considérer que :
Ainsi, la femme est plus portée sur le partage verbal et la communication, tandis que l’homme est centré sur l’action et la compétition.
Par ex., dès l’école maternelle, sur 50 minutes de classe, les filles parlent 15 min et les garçons, 4 min — soit 4 fois moins[8]. Tandis que les garçons sont turbulents 10 fois plus (5 min au lieu de 30 sec).
À l’âge de 9 ans, les filles présentent, en moyenne, 18 mois d’avance verbale sur les garçons. À l’âge adulte, les femmes téléphonent en moyenne, 20 min par appel… contre 6 min pour les hommes. La femme a besoin de partager ses idées, ses sentiments, ses émotions, tandis que l’homme contrôle et retient les siens : il transmet des informations et cherche des solutions… et la femme ne se sent pas « écoutée » !
En résumé, la femme est moins émotive mais elle s’exprime davantage alors que l’homme est, en réalité plus émotif, mais il n’exprime pas ses émotions — ce qu’il importe de ne jamais perdre de vue, tant dans la vie conjugale qu’en psychothérapie.
Globalement, la femme est beaucoup plus sensible[10] :
Les chercheurs expliquent ces nombreuses différences biologiques fondamentales entre hommes et femmes par la sélection naturelle tout au long de plus d’un million d’années de l’évolution de l’espèce humaine[11]. Cette évolution adaptative aurait modelé nos cerveaux et nos organes des sens, à travers l’action conjuguée des hormones et des neurotransmetteurs :
Ainsi, sur le plan biologique, les hommes sont programmés pour la compétition, les femmes pour la coopération.
On voit que l’accompagnement psychothérapeutique de personnes en difficulté est une tâche biologiquement féminine[12] !
Ces orientations seraient donc liées à la biologie (hormones et neurotransmetteurs). Elles se constituent dès les premières semaines de la vie intra-utérine et sont relativement peu conditionnées par l’éducation ou la culture.
En chiffres arrondis, les chercheurs considèrent aujourd’hui que notre caractère est :
Pendant la guerre, il naît deux fois plus d’homosexuels mâles (stress de la mère perturbant son équilibre hormonal intra-utérin)[14].
Les parts héréditaire et congénitale semblent importantes : ainsi, chez les vrais jumeaux garçons, si l’un est homosexuel, l’autre l’est aussi dans 50 à 65 % des cas ;
chez les faux jumeaux, on ne le constate que dans 25 à 30 % des cas, soit deux fois moins souvent — mais cependant 5 fois plus que dans la population générale.
Ainsi, on pourrait prédire l’homosexualité dès l’âge de 1 à 2 ans dans de nombreux cas (Le Vay, 1993).
D’une manière plus générale, la corrélation globale des traits de caractère serait :
Pour de nombreuses aptitudes ou prédispositions — telles que l’intelligence, le don pour la musique, le sport, et même l’optimisme[17] — on retrouverait ces trois tiers (héréditaire, acquis in utero, acquis pendant la vie), dans des proportions d’ailleurs légèrement variables.
Selon que l’on ait hérité de gênes pessimistes ou optimistes, on pourrait formuler les résultats de ces recherches de diverses manières :
Lorsqu’on pose un ballon par terre, les garçons shootent ; les filles le ramassent et le serrent contre leur cœur. Cela semble indépendant de l’éducation et de la culture, et donc directement lié à nos hormones.
La testostérone (hormone du désir, de la sexualité et de l’agressivité, autrement dit hormone de la « conquête » — militaire ou sexuelle) développe[18] :
Les œstrogènes développent :
Les nombreuses recherchent contemporaines en neurosciences confirment ainsi et précisent certaines données traditionnelles bien connues.
Elles orientent en outre le travail quotidien en psychothérapie (ou en counseling) ainsi, bien entendu, que le travail d’accompagnement de couples :
Voici maintenant, pour terminer ce bref exposé, quelques exemples concrets de l’impact des neurosciences.
Elles encouragent ainsi les psychothérapeutes à :
Enfin, quelques remarques et rappels :
Finalement, il est indispensable de se tenir au courant des recherches en neurosciences et en génétique[19] — qui sont loin d’avoir dit leur dernier mot.
Quoi qu’on en dise parfois[20], il n’est pas indifférent en thérapie, qu’un homme reçoive une femme — ou qu’une femme reçoive un homme (Krause-Girth, 2001). Notre perception du monde est, en effet, fort différente… mais agréablement complémentaire !
Aron Claude (2000) La Sexualité (Phéromones et désir). Paris : Odile Jacob. (206 p.)
Badinter Elisabeth (1992) XY, de l’identité masculine. Paris : Odile Jacob. (315 p.)
Braconnier Alain (1996) Le sexe des émotions. Paris : Odile Jacob. (210 p.)
Crépault Claude (1997) La sexoanalyse. Paris : Payot.
Cyrulnik Boris (1993) Les nourritures affectives. Paris : Odile Jacob. (244 p.), et plusieurs autres livres
Durden-Smith & Desimone (1983) Sex and the Brain. USA. Trad. Le sexe et le cerveau. Ottawa : éd. La Presse. (270 p.)
Ginger S. et A. (1987) La Gestalt, une thérapie du contact. Paris : Hommes et Groupes.
6e éd. 2000 (535 p.). Chapitres 12 et 13 (p. 297 à 324 et 332 à 346).
Ginger Serge (1995) La Gestalt, l’art du contact. Bruxelles : Guide de poche Marabout.
5e éd. 2001 (288 p). Chap. 6 et 7 (p. 93 à 132)
Gray John (1998) Men Are from Mars, Women Are from Venus. Harper Collins (USA)
Trad. Les hommes viennent de Mars ; les femmes viennent de Vénus.
Paris. J’ai lu. (342 p.), puis sa longue série sur le même thème
Janov Arthur (2001) La Biologie de l’amour. Monaco : Le Rocher,(378 p.)
Kimura Doreen (2000) Sex and Cognition. MIT Press (USA)
Trad. Cerveau d’homme, cerveau de femme ? Paris : Odile Jacob. (250 p.)
Krause-Girth Cornelia (2001) La place des femmes dans la psychothérapie (confér. à Frankfort et Paris)
Le Vay Simon (1994) Le cerveau a-t-il un sexe ? Paris : Biblio. scientifique Flammarion (230 p.)
Magre S. et Vigier B. (2001) Développement et différenciation sexuelle de l’appareil génital,
in La reproduction chez les mammifères et l’homme. Paris : Ellipses.
Pease Allan & Barbara (2001) Why Men Don’t Listen and Women Can’t Read Maps. Orion.
Trad. Pourquoi les hommes n’écoutent jamais rien et les femmes ne savent pas
lire les cartes routières. Paris : First éditions. (430 p.)
Plomin R. et all. (1997) Behavioral Genetics. Freeman & Company, New York.
Vincent J.D. (1986) Biologie des passions. Paris : Odile Jacob. (352 p.) et plusieurs autres…
Willer Ellen (2001) Les hommes, les femmes, etc. Bruxelles : Marabout. (190 p.)
mai 2002
hommes et femmes : deux ‛ espèces “ différentes ?
(tableau récapitulatif aide-mémoire)
par Serge Ginger
Femmes Hommes
Cerveau gauche (+ le droit ; corps calleux plus important) Cerveau droit
Moins latéralisées : tout le cerveau travaille Plus latéralisés = spécialisés, « compartimentés »
Orientées dans le temps Orientés dans l’espace
Bon sens et logique verbale, mémoire verbale Logique spatiale, orientation, rotation mentale
Dès 9 ans : 18 mois d’avance verbale sur les garçons Don pour les mathématiques
Sur 24 000 élèves : surdoués en maths : 0 fille 63 garçons surdoués en maths
Nourrir la progéniture (mère) Chasser le gibier (chasseur et guerrier)
Un ballon au sol : le prend dans les bras Un ballon au sol : shoote dedans
Oestrogènes, progestérone, ocytocine, prolactine Testostérone (‛ hormone de conquête “)
Vue large (« grand angle») Vue de loin (« télé-objectif »)
Coopération Compétition
Réserves (graisses) ; muscles : 25 % Puissance (muscles : 40 %) ; cicatrisation
Calme et patience Vitesse et impulsivité
Une heure de sommeil en plus Besoin de mouvement
Émotivité moins forte, mais davantage exprimée Plus émotifs mais retenus (émotions non exprimées)
Extériorisation Intériorisation (autistes : 4 hommes pour 1 femme)
Ouïe développée et érotisée (paroles, musique) Vue développée et érotisée (vêtements, maquillage)
Perçoit plus de nuances de couleurs (cônes) Perçoit mieux les formes et le mouvement
Olfaction (jusqu’à 100 fois plus ! ) Olfaction peu développée (en général)
Cherche le contact de près (odeurs) Contact de loin (vue)
La femme se repère (détails de l’itinéraire) L’homme s’oriente (trouve le Nord sans repères)
Besoin d’intimité pour sexualité Besoin de sexualité pour intimité
Besoin de parler et d’être entendue Besoin d’agir et de chercher des solutions
Besoin de sécurité (‛ couvée “) Besoin d’aventure et de risque (combat)
Équilibre et stabilité de la race (conservation) Expérience et aventure > génies et fous (création)
Gauchers : 4 % ; 90 % des boulimiques Gauchers : 10 % ; 90 % des énurétiques
Suicide : beaucoup de tentatives ; peu de décès Moins de tentatives ; plus de suicides « réussis »
Chromosome X = le plus grand de tous Chromosome Y = le plus petit de tous
À la conception : 140 mâles pour 100 femelles À 20 ans : 95 % de mâles ; à 80 ans : 58 % !
Défenses immunitaires fortes (cerveau gauche) Défenses immunitaires faibles
Sérotonine : excite la femme Sérotonine : calme et inhibe l’homme
Le ‛ sexe fort “ Le ‛ sexe faible “
6e sens = chimique : phéromones, inodores et inconscientes, reliées directement au cerveau limbique (2 sexes)
[1] Serge Ginger : psychologue clinicien, psychothérapeute didacticien en Gestalt-thérapie,
spécialisé en neurosciences depuis 20 ans.
Fondateur de l’École Parisienne de Gestalt (EPG),
Président de la Fédération internationale des Organismes de Formation à la Gestalt (FORGE),
Secrétaire général de la Fédération Française de Psychothérapie (FFdP),
Membre du Bureau exécutif de l’European Association for Psychotherapy (EAP).
Auteur de trois ouvrages sur la Gestalt-thérapie (traduits en 9 langues), dont :
La Gestalt, l’art du contact. Guide de poche Marabout, Bruxelles, 5e édition, 2001.
[2] On estime que 20 % d’hommes ont un cerveau « féminisé » et 10 % de femmes, un cerveau de type masculin.
[3] Durden-Smith J. & Desimone D. (1983). Sex and the Brain
[4] Cette spécialisation cérébrale moins poussée permet aux femmes de mener de front plusieurs tâches.
[5] Cf. Crépault Claude (1997). La sexoanalyse. Payot, Paris.
[6] J’y fais la synthèse de 40 000 pages de lectures scientifiques sur le sujet, en anglais et en français (soit environ 150 ouvrages spécialisés et autant d’articles) — dont on trouvera un bref résumé dans les chap. sur le Cerveau et sur le Rêve de mes deux principaux ouvrages (voir bibliographie n° 7 & 8).
[7] On sait que l’hémisphère gauche est dit « scientifique » : analytique, rationnel, verbal et temporel — tandis que l’hémisphère droit est dit « artistique » : synthétique, émotionnel, non verbal et spatial. (Voir détails in Ginger S. & A. (1987). La Gestalt, une thérapie du contact. Hommes et Groupes, Paris. 6e édit., mise à jour : 2000).
[8] Einstein n’a parlé qu’à l’âge de 5 ans.
[9] Kimura Doreen (2000). Cerveau d’homme, cerveau de femme ?. Odile Jacob, Paris.
[10] Plus « sensible » (organes des sens) mais pas plus « émotive » !
[11] Sur le cadran d’une montre, 10 000 ans de civilisation sur un million d’années d’humanité seraient représentés par 1/2 minute avant midi.
[12] Cf. Krause-Girth Cornelia (2001). La place des femmes dans la psychothérapie (confér. à Frankfort et Paris)
[13] Magre S. et Vigier B. (2001) Développement et différenciation sexuelle de l’appareil génital, in La reproduction chez les mammifères et l’homme. Paris : Ellipses. L’émergence du mâle débute vers la 7e semaine.
« La forme fondamentale de l’espèce, c’est la femelle » in Durden-Smith J. & Desimone D. (1983). Sex and the Brain.
[14] Durdeen (1983) et Le Vay (1994).
[15] Ce qui laisse tout de même 50 % de « liberté » pour l’éducation et la psychothérapie !
[16] Plomin R. et al. (1997). Behavioral Genetics. New York : Freeman & Company.
[17] Cf. une célèbre étude suédoise sur les jumeaux et les travaux de Lykken et Tellegen (Minnesota University).
[18] Lorsqu’elle est en concentration optimale : ni trop faible, ni trop élevée (Kimura, 1999).
[19] Voir sur Internet, le méta-moteur : www. google.com — seul moyen de se tenir informé des recherches contemporaines, non encore traduites ni publiées.
[20] Il s’agit là d’un mythe, cultivé notamment par certains psychanalystes, que les recherches statistiques contemporaines ne permettent pas de confirmer.